Evoquant les blessures à répétition des chevaux français lors des grands rendez-vous JM BONNEAU s’interrogeait sur une usure physique dès les premières années de compétition, qui deviendrait effective lors de la répétition d’efforts d’intensité maximale quelques années plus tard. Peu de voix s’élèvent cependant pour remettre en cause l’organisation des épreuves du cycle classique par la SHF. Les chevaux allemands, hollandais et belges sautent aussi à 4 ans ; et les chevaux français ne sautent pas forcément plus, et avec des moins bons cavaliers, que leurs congénères européens. La seule différence réside dans le circuit de compétition des cavaliers professionnels français qui ne leur permet pas aujourd’hui un travail régulier, progressif et en profondeur des jeunes chevaux. Mais peut on faire autrement ?
Rares sont les cavaliers de jeunes chevaux qui ne concourent pas le week-end en Pro 1 et 2 avec des chevaux d’âge. Avec un piquet fréquent de 10 jeunes chevaux , ils se retrouvent d’Avril à Septembre absents de leur écurie 4 à 6 jours par semaine. Il leur est donc impossible de travailler pendant la moitié de l’année leurs jeunes chevaux plus de deux heures par semaine, en dehors des jours de compétition, et on ne peut que douter de l’aptitude de la plupart des stagiaires qui restent dans les écuries pour effectuer seuls ce travail, surtout avec des entiers.
En concours, le savoir-faire du cavalier permet d’obtenir la soumission du cheval et son contrôle mais la force musculaire et la souplesse articulaire nécessaires pour compenser un effort physique répété , assez violent, et pas naturel, ne sont pas toujours en place au moment des premiers parcours. Dans ces conditions, les articulations souffrent davantage et elles s’usent prématurément, même si aucun signe clinique ne permet de le déceler dans les premières années de compétition, et au moment de la plupart des ventes. Cette usure, renforcée par l’absence de tout mouvement, et donc de tout entretien musculaire, 23 heures sur 24 , diminue la longévité sportive du cheval et le fragilise au moment des efforts répétés et intenses requis lors des compétitions majeures.
Il serait intellectuellement souhaitable que les jeunes chevaux effectuent moins de compétitions car la découverte de nouveaux terrains et de nouveaux obstacles pose finalement peu de problèmes à un cheval qui travaille en confiance avec son cavalier, dans l’harmonie musculaire et dans le confort articulaire. Cependant, le marché actuel du cheval de sport et le coût du travail obligent les éleveurs à présenter à la vente un 4 ans qui a déjà suffisamment de métier pour faire le bonheur d’une cavalière amateur qui sera de moins en moins capable de remédier aux lacunes de sa monture.
Idéal également serait un jugement des épreuves au regard des fautes aux obstacles mais aussi de la soumission, de la facilité d’emploi et du potentiel ( force style réactivité) du cheval. Cette solution pose déjà des problèmes en Allemagne, lors des concours régionaux, en raison du manque de compétence de certains juges bénévoles. Il y a fort à parier qu ‘elle en poserait davantage en France, sauf à former des juges professionnels et à les payer!
La seule solution qui permette aux jeunes chevaux de mieux supporter les efforts qui leur sont demandés consiste donc à les travailler davantage en semaine et à les sortir en compétition les week-ends et les jours fériés.
Les éleveurs pourraient ainsi voir leurs chevaux, éventuellement les transporter, et communiquer davantage avec leurs cavaliers . Sur les sites de plus en plus nombreux qui disposent de plusieurs pistes il serait également intéressant d’organiser d'autres épreuves pour permettre davantage d’échanges techniques et commerciaux entre cavaliers professionnels et amateurs.
Les exigences d’une rapide commercialisation d’un cheval prêt à l’emploi sont difficilement compatibles avec la préparation de l’élite pour les échéances majeures. Pour ces chevaux qui montrent déjà un potentiel hors du commun à 4 ans, la qualification aux finales ne constitue pas un objectif majeur et la plus value se réalisera sur le long terme. Pour les autres on peut seulement essayer d’infléchir la tendance actuelle en sélectionnant davantage sur la robustesse et en redonnant du temps aux cavaliers pour aller plus en profondeur dans leur travail. Enfin les chevaux ne sont pas des esclaves. On peut sûrement les sortir davantage du box sans forcément les condamner au marcheur. Certains trotteurs passent toute leur vie à l’extérieur, été comme hiver , y compris pendant les périodes de compétition !
Philippe POPPE